jeudi 28 février 2008

La France pointée du doigt pour ses prisons


Traitement inhumain et dégradant". La formule revient à plusieurs reprises dans le rapport que le Comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements dégradants (CPT) du Conseil de l’Europe va rendre public. Ce ne sont pas les geôles d’un Etat mis au ban de la communauté internationale pour ses atteintes répétées aux droits de l’homme qui se trouvent ainsi fustigées. Non, le rapport traite de la France et de ses prisons - où sont enfermées, dans des conditions souvent indignes, 64 000 personnes, soit 120 détenus pour 100 places en moyenne - et, plus particulièrement, des problèmes de santé, de placement à l’isolement et, encore une fois, de surpopulation carcérale.

Le Monde du 6 décembre


Les observations des visiteurs du CPT, qui se sont rendus dans plusieurs prisons françaises à l’automne 2006, sont accablantes. Sait-on qu’en France, en 2007, des détenus « particulièrement surveillés », quand ils reçoivent des soins dans leurs chambres sécurisées, sont « systématiquement fixés à leurs lits sans interruption, le plus souvent avec des entraves aux chevilles et main menottée au cadre du lit » ? Sait-on que, dans la patrie de la Révolution française, qui avait proclamé que le système carcéral avait la double mission de punir et d’amender le condamné, des détenus en attente d’une hospitalisation psychiatrique, en situation de « souffrance aiguë », peuvent être « obligés de rester nus » dans leur cellule d’isolement, « soumis à un contrôle visuel régulier du personnel pénitentiaire » ?

Le CPT relève « l’état dramatique » de la psychiatrie carcérale. Il s’alarme des abus du placement à l’isolement administratif. Il s’inquiète de l’organisation des « rotations de sécurité », qui conduisent à changer régulièrement de prison des détenus réputés dangereux ; ces transferts peuvent se révéler nécessaires mais leur succession, « dans certaines circonstances, constitue un traitement inhumain et dégradant ». Le CPT affiche aussi sa préoccupation sur des questions qui touchent à la vie quotidienne carcérale, depuis les fouilles corporelles et celles des cellules jusqu’aux violences entre détenus, qui ne peuvent que se développer du fait de la surpopulation. La loi sur la récidive, votée en juillet, pourrait conduire à l’incarcération de 10 000 personnes supplémentaires...

Depuis le témoignage accablant, en janvier 2000, du docteur Véronique Vasseur, alors médecin-chef à la Santé, Le Monde n’a cessé, à travers ses enquêtes et une dizaine d’éditoriaux, d’attirer l’attention sur cette indignité carcérale. Nicolas Sarkozy promet une démocratie « irréprochable ». Sans entretenir trop d’illusions, souhaitons que cette promesse se traduise dans la loi pénitentiaire en préparation. Afin qu’on ne puisse plus reprocher à nos prisons d’être épinglées pour traitements « inhumains et dégradants ». 

Article paru dans l’édition du 07.12.07.


LA FRANCE POINTÉE DU DOIGT POUR SES PRISONS


Un rapport d’un organisme européen, le Comité pour la prévention de la torture, dénonce les conditions de vie indignes de nombreux détenus. Malades mentaux pas ou mal soignés, détenus attachés pendant des soins, contraints à l’isolement : autant de traitements « inhumains et dégradants ».


Le Comité pour la prévention de la torture, une agence du Conseil de l’Europe, critique la surpopulation carcérale en France et le sort de certains détenus « qui s’apparente à un traitement inhumain et dégradant », dans un rapport publié lundi à Strasbourg. Le document constate un fort taux de surpeuplement carcéral dans les maisons d’arrêt, visitées en octobre 2006. « Les maisons d’arrêts hébergent à long, voire à très long terme, un taux élevé de détenus condamnés qui ne sont pas toujours séparés des prévenus, contrairement aux règles pénitentiaires européennes », ont relevé les experts du CPT.

Ils ont attribué à « l’allongement continu des peines et (au) rallongement de la durée effective des peines à perpétuité » une gestion « toujours plus problématique » de la population pénitentiaire. Le CPT s’est alarmé notamment du sort des « détenus particulièrement surveillés » (DPS) en demande de soins. A la maison d’arrêt de Fresnes, les demandes d’hospitalisation étaient, lors de la visite, sujettes à un délai de deux à sept jours. « En attendant, a affirmé le CPT, certains détenus présentant des états de souffrance aiguë étaient placés en cellule d’isolement, traités sous contrainte si nécessaire, et obligés de rester nus en cellule, soumis à un contrôle visuel régulier du personnel pénitentiaire ».


Des menottes jusque sous la douche

A l’unité d’hospitalisation sécurisée du Centre Hospitalier de Moulins-Yzeure (Allier), les détenus DPS « étaient systématiquement fixés à leur lit, sans interruption, le plus souvent avec des entraves aux chevilles et avec une main menottée au cadre du lit », selon le rapport. « Ces entraves et ces menottes étaient également portées aux toilettes et à la douche » et « des fonctionnaires de police étaient présents aux côtés du patient pendant tout acte médical, même le plus intime », révèle le document. Les demandes formulées par le personnel médical d’enlever les menottes lors des soins étaient systématiquement refusées par les surveillants et les policiers accompagnants, selon le CPT qui a souhaité que soient revus les critères de classement en DPS.

Dans leur réponse jointe au rapport, les autorités françaises ont rappelé le lancement en 2002 d’un programme de construction d’unités d’hospitalisation spécialement aménagées pour recevoir les détenus souffrant de troubles psychiatriques. La première tranche comportera 9 unités pour une capacité totale de 440 lits. La première UHSA sera inaugurée courant 2009 pour les patients détenus des directions régionales pénitentiaires de Lyon et Dijon.

Source : TF1.fr


Les soins psychiatriques dans les prisons jugés « indignes »

STRASBOURG (Reuters) - Les conditions de prise en charge des troubles psychiatriques dans les prisons françaises sont à différents égards contraires à la dignité humaine estime le Comité européen de prévention de la torture (CPT) dans un rapport publié à Strasbourg

Ce comité d’experts du Conseil de l’Europe critique en particulier le fait que ces détenus qui « souffrent de décompensations psychotiques graves » sont souvent placés en quartiers d’isolement, voire en quartiers disciplinaires, faute de pouvoir bénéficier d’une hospitalisation.

Cette situation rencontrée à la centrale de Moulins-Yzeure (Allier) et dans une moindre mesure à la maison d’arrêt de Fresnes (Val-de-Marne) lors d’une visite périodique effectuée en septembre-octobre 2006 « s’apparente à un traitement inhumain et dégradant », affirme le CPT.

Même verdict concernant le traitement infligé à ces patients de la maison d’arrêt de Fresnes contraints de rester nus dans une cellule d’isolement pendant deux à sept jours, sous la surveillance visuelle du personnel pénitentiaire, en attendant de pouvoir être hospitalisés.

Le gouvernement français, qui a donné son accord, comme c’est la règle, pour la publication de ce rapport, justifie cette mesure par les risques de suicide et indique expérimenter à Fresnes le port d’un pyjama en tissu déchirable.

Le CPT estime en revanche n’avoir reçu aucune réponse satisfaisante à sa demande de réexamen des mesures de sécurité appliquées aux patients de l’Unité d’hospitalisation sécurisée du centre hospitalier de Moulins-Yzeure.

« Malgré le dispositif sécuritaire mis en place au sein de cette structure de soins, les détenus qui y étaient soignés étaient systématiquement attachés à leur lit, sans interruption, le plus souvent avec des entraves aux chevilles et avec une main menottée au cadre du lit », décrivent les experts.

« Ces entraves et ces menottes étaient également portées aux toilettes et à la douche. Par ailleurs, trois fonctionnaires de police étaient présents aux côtés du patient pendant tout acte médical, même le plus intime », ajoutent-ils.

« Tous les interlocuteurs rencontrés par la délégation, tant dans les ministères compétents (Justice, Santé) que sur le plan local, les personnels de santé et de direction dans les établissements visités, ont admis l’état dramatique dans lequel se trouve la psychiatrie pénitentiaire en France », souligne le CPT.

Gilbert Reilhac 


Article publié sur  Karuna

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