mardi 26 février 2008

Rétention de sûreté : les Sages ont éteint les Lumières...

Selon le Conseil, la rétention de sûreté ne serait pas une peine

Le Conseil nous apprend que la rétention de sûreté n'est ni une peine, ni une sanction, ni une mesure de sûreté et qu'à ce titre elle n'entre pas dans le cadre de l'article 8 de la Déclaration susvisée qui est dès lors vidée de son sens et de sa portée, tant il est évident qu'il visait précisément à contrer le genre de mesure que le Conseil vient de valider !

Le manque de lisibilité de la position du Conseil sur la non-rétroactivité de la loi pénale
Tout juste, le Conseil considérant que la rétention de sûreté est une mesure privative de liberté, il décide qu'elle ne peut pas s'appliquer à des personnes condamnées avant la publication de la loi ou faisant l'objet d'une condamnation postérieure à cette date pour des faits commis antérieurement. Mais le Conseil ayant une vision très "originale" de la non-rétroactivité de la loi pénale considère que la surveillance de sûreté est quant à elle immédiatement applicable "dès la publication de la loi aux personnes condamnées pour les crimes très graves prévus par la loi lorsqu'elles sortent de prison". Rappelons que la surveillance de sûreté, introduite dans le texte par le Sénat, consiste en diverses obligations, notamment le placement sous surveillance électronique mobile ou l'injonction de soins. Or, si l'intéressé méconnait les obligations qui lui sont imposées dans le cadre de cette surveillance de sûreté, il pourra, en urgence, être placé en rétention de sûreté s'il fait apparaître qu'il présente à nouveau une particulière dangerosité.

Cette décision est très critiquable, tout d'abord en ce qu'elle rend difficilement compréhensible l'interprétation du principe de non-rétroactivité de la loi pénale. Les professeurs de droit et autres auteurs auront de quoi disserter pour les prochaines années à venir.

La Constitution désormais sans gardien

Outre le fait, déjà gravissime, qu'elle valide une loi fortement attentatoire aux principes essentiels qui gouvernent notre système judiciaire depuis deux siècles, elle remet totalement en cause la légitimité du Conseil Constitutionnel, qui apparaît désormais comme une chambre d'enregistrement politicienne, malgré les précautions qui avaient été prises au moment de l'élaboration de la Constitution de 1958 quant au mode de désignation de ses membres, à leur statut et à la durée de leurs fonctions. En reconnaissant la possibilité d'enfermer un homme, non pas en raison d'une accusation portée contre lui ou d'une condamnation définitivement prononcée, mais au seul motif, nonobstant le fait qu'il n'ait pas à nouveau commis de crime ou de délit, qu'il serait potentiellement en mesure de le faire pulvérise instantanément le principe de la présomption d'innocence. Il sera dès lors intéressant de connaitre la position de la Cour Européenne des Droits de l'Homme, lorsqu'elle aura à juger les premiers recours, d'ici quelques années.

Du principe de légalité des peines et des délits à la consécration de l'art divinatoire

La décision du Conseil Constitutionnel conduit également à donner une importance inégalée en France à la "science" psychiatrique, qui reconnait pourtant elle même ses limites, ouvrant ainsi la porte à l'arbitraire le plus absolu. A ce titre, on se demande bien comment les psychiatres vont pouvoir apprécier la dangerosité d'un intéressé, tant cette notion est absent du vocabulaire de la psychiatrie. Alors que l'affaire Outreau avait mis en lumière de manière criante les limites de l'expertise psychiatrique, le gouvernement, suivi par son Parlement et maintenant par le Conseil Constitutionnel lui donne désormais une place essentielle dans le nouveau dispositif de la rétention de sûreté.


Source : fnuja

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