mercredi 27 février 2008

Rétention de sûreté: une loi qui menace nos principes

Le raisonnement des neuf Sages

Par Michel Huyette (Magistrat)

Le conseil constitutionnel a raisonné par étapes.

Il a d'abord avalisé le principe de cette rétention.

Cette issue n'était pourtant pas certaine. En effet, la constitution prévoyant que "nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit" et que "tout homme est présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable" (articles 8 et 9 de la déclaration des droits de l'homme de 1789, intégrée à notre constitution), il semblait possible de conclure que l'enfermement d'un individu qui n'a commis aucun nouveau délit et dont il n'est pas certain qu'il récidive s'il est remis en liberté n'est pas conforme à ces principes constitutionnels.

Le conseil s'en sort en décidant que la rétention n'est pas une "mesure répressive" ni "une peine" ni une "sanction ayant le caractère d'une punition". Cela est un peu déroutant s'agissant d'un enferment, autorisé par une cour d'assises, décidé par des juges, et appliqué à des délinquants parce qu'ils sont considérés comme potentiellement récidivistes. Ceux qui seront enfermés des années seront toutefois réconfortés de savoir que ce n'est pas une peine qui leur est infligée.


Non-rétroactivité de la peine

Dans un deuxième temps, le conseil a refusé que le nouveau mécanisme s'applique directement à des personnes ayant commis des infractions avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle. Il a indiqué dans sa décision que la rétention,

"eu égard à sa nature privative de liberté, à la durée de cette privation, à son caractère renouvelable sans limite, et au fait qu'elle est prononcée après une condamnation par une juridiction, ne saurait être appliquée à des personnes condamnées avant la publication de la loi ou faisant l'objet d'une condamnation postérieure à cette date pour des faits commis antérieurement".

C'est, sans utiliser le mot, la réaffirmation du principe de « non rétroactivité » de la peine, appliquée ici à une mesure de sûreté maximale.

Pour faire simple, si vous commettez une infraction, vous ne pouvez être condamné qu'aux sanctions applicables ce jour là. Si plus tard une peine plus sévère est décidée pour cette catégorie d'infraction, elle ne peut pas vous être appliquée rétroactivement.

Le conseil, ayant affirmé que la rétention de sûreté n'est pas une peine, aurait peut-être pu conclure que le principe de non rétroactivité ne s'applique pas à elle.

Mais, en motivant par la gravité de cette mesure de "sûreté", il lui a appliqué le principe fondamental applicable aux peines. En résumé, il est un principe nouveau dans notre droit fondamental: aucune mesure nouvelle, peine ou mesure de sûreté, ne peut être appliquée rétroactivement quand elle porte considérablement atteinte aux libertés individuelles. (...)

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