mardi 15 avril 2008

La réforme de l'Ordonnance de 1945 sur les mineurs


  • Un groupe de travail chargé de réformer l'ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs,

PARIS (AFP) — Rachida Dati a installé mardi un groupe de travail chargé de réformer l'ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs, invoquant "une attente" de sécurité des Français, à grands renforts de chiffres sur la hausse de la délinquance chez les adolescents.
"Les Français expriment des doutes sur l'effacité de la Justice, pensent que certains jeunes échappent à la loi. (Réformer l'ordonnance de 1945) est une attente de Français", a lancé Mme Dati.

La garde des Sceaux a appelé à une "véritable refondation" de ce texte posant pour principe la primauté des mesures éducatives face aux mineurs délinquants, mais qui a aujourd'hui, selon elle, "perdu de sa pertinence, de son efficacité".

Elle a confié à une commission d'une trentaine de membres (avocats, magistrats, parlementaires de droite et de gauche, un sociologue, un pédopsychiatre) présidée par le juriste André Varinard le soin de lui remettre des propositions de réforme au plus tard le 1er novembre.

"Des propositions tout à fait libres, modernes, respectueuses du nécessaire équilibre entre l'intérêt des enfants et la sécurité des Français", a déclaré la ministre à la Chancellerie.
Dans une vidéo projetée à la presse, venait d'être égrenée une impressionnante série de chiffres sur la progression de la délinquance des mineurs depuis soixante ans.

En 2007, 18% des auteurs présumés d'infractions étaient des mineurs, et selon ministère, les condamnations de moins de 18 ans pour des violences volontaires ont augmenté de 150% entre 1997 et 2006. Pour les moins de 13 ans "on remarque un niveau élevé d'infractions sexuelles", a-t-on précisé.

En invitant la commission à s'interroger sur l'instauration d'un âge minimum de responsabilité pénale, la ministre a jugé "pas exempte de critiques" l'impossibilité de "condamner à une peine" un moins de 13 ans. Actuellement un juge ne peut prononcer pour les adolescents les plus jeunes que des "mesures ou sanctions éducatives", a-t-elle rappelé.

André Varinard a renchéri sur le thème d'un texte "peu lisible" après 31 modifications en 63 ans. "La remise aux parents a-t-elle un véritable sens aujourd'hui pour des mineurs délinquants parfois auteurs d'une infraction grave?", s'est-il interrogé.

Si le constat d'une ordonnance peu cohérente est partagé par l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), son secrétaire national Christophe Regnard a regretté "un discours flou, digne du café du commerce".
"On nous dit simplement que les mineurs sont plus dangereux qu'avant, il n'y a aucune hauteur de vue, aucune vision d'ensemble", a-t-il déclaré à l'AFP.

Dans la commission, aucun siège n'a été attribué aux représentants des syndicats de magistrats, d'éducateurs ou de policiers, a aussi dénoncé M. Regnard, à l'unisson sur ce point avec le Syndicat de la magistrature (SM, gauche), le Syndicat national des psychologues, le SNPES-PJJ (affilié à la FSU) et les éducateurs CGT de la Protection judiciaire de la jeunesse.

Selon ces quatre derniers syndicats, les conclusions du groupe de travail "iront dans le même sens qu'un arsenal de lois plus sécuritaires les unes que les autres votées ces dernières années" : la loi Perben I de 2002 qui a instauré les prisons pour mineurs (EPM) et les centres éducatifs fermés, la loi Perben II de 2004 "qui a renforcé l'alignement de la justice des mineurs sur celle des majeurs", et la loi de 2007 sur les peines plancher qui permet d'écarter l'"excuse de minorité" pour les 16-18 ans jugés en récidive.

Source : AFP via google



  • Pour le syndicat Unsa SPJJ, syndicat protection judiciaire de la jeunesse (Ministère de la Justice), L'ordonnance de 1945 est suffisante.

Dans son communiqué de presse du 15 avril, il précise : 

Toutefois, nous ne sommes pas hostiles à une réécriture de l’ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs si elle se fait dans le respect des valeurs fondamentales. Nous partageons, sur ce point, le souhait exprimé par une grande partie des professionnels du secteur de rendre ce texte plus lisible, plus accessible, y compris aux justiciables. 

Néanmoins, les dernières réformes conduites par ce ministère – carte judiciaire et projet de loi pénitentiaire – comme celles qui se préparent sans aucune concertation avec les personnels à la PJJ, éveillent notre méfiance et nous invitent à la plus grande prudence quant aux orientations engagées pendant et à l’issue des travaux de cette commission.

Source SPJJ UNSA


L’ordonnance de 1945 est-elle inadaptée à la nouvelle délinquance, comme le fait valoir le ministère de la Justice?

Nous ne partageons pas leur analyse. Pour nous, ce texte est une véritable boîte à outil qui pose les bases de la justice pour mineurs. En revanche, nous reconnaissons qu’il peut parfois apparaître comme un texte complexe et illisible. C’est pourquoi nous préconisons un toilettage du texte, afin de le rendre plus compréhensible, notamment pour les justiciables, et d’éliminer les redondances. Avec une réforme du texte, telle que souhaitée par la garde des Sceaux, nous craignons une remise en cause des fondamentaux.

Lesquels vous semblent particulièrement importants?

Il est nécessaire de conserver une justice spécifique pour les mineurs, avec des juridictions et des magistrats spécifiques. Nous sommes très vigilants sur certains objectifs donnés à la commission, comme celui de fixer un âge à la responsabilité pénale auquel nous sommes opposés. Nous insistons également sur l’importance de respecter la minorité des prévenus.

A force d’être modifiée, l’ordonnance n’a-t-elle pas été vidée de son sens?

Non, je ne le pense pas. Elle était beaucoup plus dure dans les années 1950. Aujourd'hui, le texte rencontre juste un problème de lisibilité. Depuis son adoption en 1945, le texte a été amendé une trentaine de fois, sans avoir besoin de recourir à une commission. Pour moi, cela démontre la volonté du ministère de s’attaquer au fond du texte.

Propos recueillis par Sandrine Cochard. Source :  20 minutes


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