mercredi 12 mars 2008

La démocratie entre ruines et reconstruction




Référence obligée des discours et des pratiques politiques, la démocratie est en crise. Les comportements oligarchiques renaissent, appuyés sur la globalisation économique : diktat des organismes financiers internationaux, politiques imposées par l’Union européenne, etc. En France, les institutions politiques fonctionnent comme repliées sur elles-mêmes. A quand des institutions démocratiques pour sauver les citoyens ? Mais aussi, à quand des citoyens libres pour sauver la démocratie ?

C’est précisément à la critique des institutions françaises que s’attaque Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à Montpellier, dans "La Ve République se meurt, vive la démocratie." 
En effet, la première caractéristique de la crise actuelle tient à la terrible difficulté de faire passer la volonté du peuple auprès des dirigeants. C’est ce que l’on peut nommer un décrochage institutionnel. L’auteur analyse la défaillance d’un système politique dans lequel le pouvoir n’a aucun contrepoids, agit sans contrôle et ne se sent pas responsable devant le peuple souverain. Ce pouvoir ignore totalement les préoccupations des citoyens, qui se reconnaissent, quant à eux, de moins en moins dans leurs institutions.

Depuis presque quarante ans , les politiques refusent de répondre de leur choix. Un exemple parmi tant d’autres cités par Rousseau : « Quand le président demande au peuple d’approuver sa politique européenne, quand le président perd le référendum et quand il ne démissionne pas (2005), cela signifie que les institutions n’assurent pas la liaison, essentielle en démocratie, entre décision et responsabilité » .Le refus de soumettre à référendum le nouveau traité européen, signé à Lisbonne le 13 décembre 2007, confirme que les dirigeants refusent de rendre compte au peuple.


Il ne s’agit pas de reconnaître des égaux,  mais d’en faire

Selon l’auteur, les institutions et la représentation politiques en crise portent directement atteinte à la condition de chaque citoyen en l’empêchant d’être un « majeur constitutionnel » 

. Aux êtres de droits égaux succèdent alors des individus atomisés par les différences de sexe, d’âge, d’origine, de portefeuille... Or, « pour paraphraser Simone de Beauvoir, on ne naît pas citoyen, on le devient et (...), pour le devenir, l’individu a besoin des institutions de la représentation » . La tâche est immense à l’heure où le social est remplacé par le pénal et où la séparation des pouvoirs est vidée de son sens. Déjà, au XIXe siècle, Léon Gambetta (1838-1882) lançait à la Chambre des députés : « Ce qui constitue la vraie démocratie, ce n’est pas de reconnaître des égaux, messieurs, c’est d’en faire. »

A ce titre, l’ouvrage des magistrats Gilles Sainati et Ulrich Schalchli est éclairant. Dans "La Décadence sécuritaire", ils montrent le repli d’une institution judiciaire désormais fermée et sourde, pour l’essentiel, aux impératifs démocratiques et sociaux. Alors même que cette institution est l’une des plus pauvres des pays occidentaux, les hauts responsables de l’Etat l’ont encore affaiblie en la soumettant, comme les autres services publics, à des impératifs de rentabilité et à l’obsession des rendements . Progressivement, l’autorité judiciaire a ainsi subi l’hégémonie des préoccupations sécuritaires importées des Etats-Unis.

Cette dérive, symbolisée par l’expression « qui vole un œuf vole un bœuf », substitue la crainte d’autrui et la traque de l’ennemi intérieur  au dialogue social et à la définition d’un espace commun. Rien de plus déconcertant, notent les auteurs, si l’on se souvient que le droit à la sûreté était promu par les révolutionnaires de 1789 comme « une garantie des individus contre l’arbitraire du pouvoir et de ses agents »… Quand la « sécurité » coupe la tête à la justice au nom de la « tolérance zéro » et résout les carences sociales en leur apportant des réponses pénales , le juge devient le simple greffier du procureur .
 Dans ces conditions, existe-t-il encore une place pour une puissance publique légitime ? ....


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