mardi 11 mars 2008

Le Président de la République et la justice : un tournant judiciaire ?

Nouvelobs.com a posé une question à plusieurs professionnels du droits (notamment au président de la FNUJA,  au secrétaire générale du Syndicat de la Magistrature , à la présidente du Syndicat des Avocats de France, à un professeur de droit constitutionnel à la Sorbonne, à un ancien membre du Conseil Supérieur de la Magistrature, à des avocats..)


En tout, 9 personnes ont répondu à cette question  


QUESTION

- Un président partie civile dans l'affaire Clearstream, qui porte plainte au civil pour une publicité (Ryanair), qui porte plainte au pénal contre nouvelobs.com… Est-ce un tournant judiciaire et constitutionnel ?


Ci après quelques extraits de  REPONSES  (publiées avec l'autorisation expresse de nouvelobs.com) 


Lionel Escoffier, président de la Fédération Nationale des Unions des Jeunes Avocats (FNUJA) :

- "Un tournant constitutionnel non, un tournant judiciaire peut-être. En effet, il y a eu peu de précédents de plainte portée par un président au civil (...) et jamais de plainte portée au pénal. Mais le chef de l'Etat ne voit pas ses droits civils suspendus le temps de sa présidence, et pourquoi lui interdire de lancer des poursuites ? Si toutefois on veut le faire, il faut réviser la Constitution."


Hélène Franco, secrétaire générale du Syndicat de la Magistrature (SM, gauche) :

- "C'est effectivement une situation inédite et un tournant dans la pratique des institutions. (...) Le fait qu'il soit partie dans plusieurs affaires judiciaires en cours pose donc problème, du point de vue de la place du président dans l'ordre institutionnel. Le président ne peut bien sûr être mis en cause pendant la durée de son mandat, mais il ne peut pas non plus être entendu, pas même comme témoin ou comme partie civile. Ce n'est pas un justiciable à qui on peut appliquer les règles de droit commun. Il a choisi d'agir différemment de ses prédécesseurs : l'exercice est assez périlleux. (...) "


Serge Portelli, magistrat, vice-président au tribunal de Paris :

- "Je sais que l'une des 'philosophies' de Nicolas Sarkozy est d'agir comme s'il était tout le monde. Dans ce cas, pourquoi ne pas être le plaignant ordinaire ? Sauf que la grande différence réside dans le fait qu'il n'est justement pas un plaignant ordinaire. C'est lui qui est à la tête du Conseil supérieur de la magistrature, qui nomme une partie des hauts-magistrats… Etre à la fois justiciable, président de la République, avocat et bénéficié d'une immunité constitutionnel crée un déséquilibre évident. Mais tout cela ne concerne que sa conscience à lui et c'est à l'opinion publique d'en tirer les conséquences."


Jean Gicquel, professeur de droit constitutionnel à la Sorbonne, ancien membre du Conseil Supérieur de la Magistrature :

- "Il s'agit de faits inédits. Aucun président n'a jamais été partie civile, ni porté plainte au pénal.(...)  Le constituant a voulu protéger le chef de l'Etat de toute action au plan civil et pénal, sauf en cas de manquement grave à sa fonction. Mais il a oublié l'hypothèse où celui-ci porte plainte. Dans ce cas, les personnes attaquées ne peuvent réagir de leur côté avant la fin du mandat présidentiel, puisque les procédures dirigées contre lui ne peuvent être prises en compte. (...) Aujourd'hui, vu la situation inédite, rien n'interdit de réviser à nouveau la Constitution. Intrinsèquement, il y a déséquilibre, puisqu'il ne peut y avoir de débat à armes égales. (...) "


Régine Barthélémy, présidente du Syndicat des Avocats de France (SAF) :

- "C'est en tout cas un tournant judiciaire, et une nouvelle conception du rôle du président, qui diffère fortement de celle de ses prédécesseurs. Bénéficiant d'une immunité, il se permet par ailleurs de s'impliquer dans des procédures judicaires. Cela pose certaines questions, mais en tout cas, il en a le droit, et ne franchit pas la légalité. "

 propos recueillis par Anne-Sophie Hojlo et François Sionneau
Source : Lire toutes les Réponses dans leur intégralité sur : Nouvelobs.com 

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