samedi 8 mars 2008

La loi du 10 août 2007: des "peines-plancher" pour les récidivistes majeurs et mineurs


Remarques préalables

En tant qu'avocat,  mais surtout en tant que Juge de proximité actuellement Assesseur dans un Tribunal Correctionnel de la Région Parisienne, c'est régulièrement que nous sommes confrontés, dans nos délibères, à ces fameuses "peines plancher"

Je trouve cette loi très critiquable car elle conduit à des décisions de Justice aberrantes et porte atteinte à la liberté de décision du Juge Pénal, même si celui ci a la possibilité de ne pas appliquer la "peine plancher" grâce à une motivation spéciale qu'il doit ajouter dans son jugement.


Deux précisions doivent cependant être apportées : 

1- Le quantum minimum imposé par la loi (soit  1 an par exemple) n'est pas obligatoirement de la Prison Ferme puisque cela n'a pas été prévu expressément par le texte qui parle simplement d'emprisonnement.  Ainsi dans certains cas, un Sursis avec Mise à L'Épreuve (SME) peut-être prononcé soit pour la totalité de la peine soit en partie.

2- Ce qui nous amène à la seconde remarque : une ancienne loi sur la Récidive, toujours applicable, et interdisant dans certains cas,  le recours à un SME,  se cumule avec cette nouvelle loi. 
Ainsi pour que le Tribunal puisse prononcer une peine de prison avec SME encore faut-il que les conditions de l'ancienne loi soit également réunies.

Les effets de cet nouvelle Loi viennent alors se cumuler avec une loi plus ancienne sur  La récidive Légale et notamment sur les conditions d'application du SME.

Donc dans certains cas, le Tribunal se trouve obligé de prononcer une peine ferme (en vertu d'une Loi ancienne sur la Récidive) et comme il est alors lié par la nouvelle loi sur les peines planchers, la peine  ne peut pas être inférieure au minimum prévu par la loi.

Récemment, dans la Juridiction où je suis assesseur, nous nous sommes vu obligé de condamner un jeune homme de 19 ans à un an de prison ferme,  pour un vol de DVD dans un grand magasin.

Voilà à quoi peut conduire cette nouvelle loi cumulée à l'ancienne. 

Une fois de plus "la loi pénale a été modifiée surtout pour l’impact médiatique que représente l’annonce même d’une réforme, plutôt que pour un objectif réel d’efficacité rationnellement débattu ...."


Catherine HELAYEL 



Rappel : Présentation de la loi du 10 août 2007 


La loi du 10 août 2007 ne prend en considération que l’état de récidive légale c’est à dire la situation où un individu commet une infraction alors qu’il a déjà fait l’objet d’une condamnation pénale, définitive, prononcée par une juridiction française. 

Si une deuxième infraction intervient, il y a récidive et les effets de majoration de la peine dépendent des infractions commises et de la durée entre les deux infractions (articles 132-8 à 132-11 du Code Pénal). 

La récidive légale se distingue donc de deux autres notions :

- le concours d’infractions lorsqu’il n’y a pas eu de condamnation définitive entre deux infractions. Il n’y a dès lors pas de majoration de la peine
- la réitération d’infractions concerne la situation où un individu est condamné définitivement et commet une autre infraction mais où les conditions de la récidive ne sont pas réunies.

Cette Loi  a donc pour objet l’introduction de peines minimales pour les délinquants en état de récidive légale. Sa particularité est qu’elle vise aussi bien les majeurs que les mineurs.

Règles relatives aux majeurs

La loi distingue selon que le délinquant a commis un délit ou un crime en état de récidive légale. Elle ne concerne pas les contraventions.

1) Concernant les crimes, le nouvel article 132-18-1 du Code Pénal prévoit que la peine d’emprisonnement, de réclusion ou de détention ne pourra être inférieure à un seuil représentant environ le tiers du maximum encouru (5 ans si le crime est puni de 15 ans, 7 pour 20, 10 pour 30, 15 pour la réclusion ou la détention à perpétuité). 

Pour ne pas ôter totalement au juge son pouvoir d’individualisation de la peine, la loi prévoit qu’il peut prononcer une peine inférieure à ces minima « en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci ». 

Il est donc exigé une motivation spéciale pour une peine en-deçà des minima. Un dernier alinéa ajoute que si le délinquant est une nouvelle fois en état de récidive légale (soit la troisième infraction dans les conditions précitées), la juridiction ne peut prononcer une telle peine inférieure que si l’accusé présente des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion.

2) Concernant les délits, l’article 132-19-1 du Code Pénal prévoit un seuil minimal d’un an si le délit est puni de 3 ans, de 2 ans s’il est puni de 5 ans, de 3 ans pour 7ans, et de 4 ans pour 10 ans. 

Il existe la même possibilité d’aller en-deçà ou de prononcer une peine autre que l’emprisonnement, à condition de motiver pour les raisons identiques à celles prévues pour les crimes. 

La situation de nouvelle récidive légale a pour conséquence, que le juge ne peut pas prononcer une peine autre que l’emprisonnement pour certains délits limitativement énumérés. Dans cette hypothèse, le Tribunal correctionnel peut prononcer une peine d’emprisonnement inférieure au seuil si le prévenu présente des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion.

A noter que l’article 132-20-1 incite les magistrats à prévenir les prévenus ou accusés des peines encourues s’ils commettent une nouvelle infraction en état de récidive légale.

Règles relatives aux mineurs

 La loi nouvelle distingue selon que le mineur délinquant a atteint 16 ans ou non.

Pour les mineurs de moins de 16 ans (et de plus de 13 ans), l’ordonnance de 1945 prévoit que la peine est automatiquement réduite de moitié par rapport à celle encourue par un majeur. La loi nouvelle confirme cette règle en l’adaptant au système mis en place : la diminution de moitié s’applique aux peines minimales prévues par les articles 132-18, 132-18-1 et 132-19-1 du Code Pénal.

Pour les mineurs de plus de 16 ans, classiquement, le principe de réduction de peine demeure, mais il pouvait être renversé « à titre exceptionnel et compte tenu des circonstances de l’espèce et de la personnalité du mineur ». 

La loi du 5 mars 2007 avait déjà supprimé le caractère exceptionnel de l’exclusion. Désormais, le système est plus ou moins calqué sur la récidive des majeurs :

- en cas de récidive, la réduction de peine reste le principe, mais elle peut être exclue lorsque les circonstances de l’espèce ou la personnalité de l’auteur le justifient et en cas de récidive pour les crimes d’atteinte volontaire à la vie ou à l’intégrité de la personne et pour les délits de violences volontaires, d’agressions sexuelles ou commis avec la circonstance aggravante de violences.
- en cas de nouvelle récidive, le principe, pour ces derniers crimes et délits (considérés comme les plus graves), est l’application du régime des majeurs, c’est à dire le rejet de l’atténuation de minorité. Toutefois, la Cour d’assises des mineurs ou le Tribunal pour enfants peuvent, même dans cette situation, en décider autrement.



2 commentaires:

Anonyme a dit…

Cette loi a tout de même un intérêt dans le cadre de récidivistes chroniques. Je pense notamment aux cambrioleurs dont les peines de prison de courte durée font partie de leur "métier" (dixit l'un deux). Il est absolument anormal qu'un même individu insolvable puisse faire une carrière complète entrecoupée de courts séjours en prison et jouir des rentrées frauduleuses, fruits des larcins non interceptés.

Une victime de 7 cambriolage en 15 ans.

Blog de Maître HELAYEL a dit…

Mais les magistrats ont toujours sanctionné davantage les récidivistes, Il y avait déjà une loi pour cela et on avait pas besoin de leur imposer une "peine plancher" qui, dans certains cas, conduit à des décisions aberrantes. C'est cela qui est critiquable.