mardi 4 mars 2008

Rétention de sûreté: Le premier président de la Cour de cassation, Vincent Lamanda répète qu'il ne suivra pas Sarkozy


PARIS (Reuters) - Le premier président de la Cour de cassation, Vincent Lamanda, a répété aux syndicats de magistrats qu'il ne proposerait aucun moyen juridique pour faire appliquer rétroactivement la loi sur la rétention de sûreté, comme le demande l'Elysée.

Cette déclaration est intervenue au lendemain de la réception à l'Elysée de plusieurs associations de victimes, qui se sont déclarées favorables à l'application de la loi aux personnes déjà condamnées. Ce texte permet de détenir indéfiniment à leur sortie de prison des criminels sur une présomption de dangerosité, ce qui est inédit en droit français.

Chargé par Nicolas Sarkozy d'une mission sur l'application rétroactive, Vincent Lamanda, plus haut magistrat de France, a dit aux dirigeants de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire) et du Syndicat de la magistrature (gauche), lors d'un entretien de deux heures, qu'il était hors de question de remettre en cause la décision du Conseil constitutionnel.

Ce dernier, s'appuyant sur la Déclaration des droits de l'homme de 1789, a interdit, sauf cas très particuliers, la rétroactivité de la loi voulue par le gouvernement.

"Le premier président nous a confirmé qu'il ne s'agissait absolument pas pour lui de remettre en cause de quelque manière que ce soit la décision du Conseil constitutionnel, qui s'applique à tous les pouvoirs publics et s'impose donc à la Cour de cassation. Cette décision est définitive", a dit à la presse après l'entretien Bruno Thouzellier, président de l'USM.

La solution d'une révision de la Constitution, suggérée par certains élus UMP, semble exclue puisqu'elle supposerait de modifier la Déclaration des droits de l'homme.


LOIS EXISTANTES

Dans le cadre de sa mission, les deux syndicats souhaiteraient que Vincent Lamanda se penche sur la mise en oeuvre des dispositifs existant dans la loi contre la récidive et sur l'absence de moyens de la justice pour traiter les détenus pendant leur peine de prison.

Le SM a ainsi souhaité qu'on s'intéresse au "suivi socio-judiciaire" après la prison instauré pour les condamnés il y a plus de dix ans et peu utilisé

"Il y a des dispositifs existants, de suivi notamment en prison, qui permettent d'éviter la récidive. Pourquoi ne sont-ils quasiment jamais appliqués ? On sait qu'il y a des problèmes de moyens qui se posent et que c'est là-dessus qu'il faut mettre l'accent", a dit Bruno Thouzellier.

Les prisons françaises, qui comptaient selon les chiffres officiels au 1er février 62.094 détenus pour 50.557 places, sont pour la plupart dépourvues de personnels et d'équipements médicaux et sociaux nécessaires pour appliquer les lois et préparer les sorties des détenus.

La raison en est, selon les syndicats de magistrats, la faiblesse du budget de la justice et de l'administration pénitentiaire (2,4% du budget de l'Etat). Pour le SM, la mission Lamanda est un "piège" tendu par l'Elysée aux magistrats pour leur renvoyer la responsabilité de la récidive.

"Il s'agit sans doute, encore une fois, de faire monter la mayonnaise sur ces questions de sécurité qui, visiblement, constituent un fond de commerce pour notre président de la République, notamment en période électorale", a estimé la président du SM, Emmanuelle Perreux.

Thierry Lévêque

source : Reuters

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