lundi 10 mars 2008

Loi sur la rétention et surveillance de sûreté : elle rétroagit et s'appliquera bien avant quinze ans

La loi du 25 février 2008 « relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale » est entrée en vigueur. (...)


En réalité, la loi va bel et bien rétroagir en de nombreux points qui vont permettre de contrôler de manière forte les délinquants en cause . Elle va en outre s'appliquer avant quinze ans.


La non rétroactivité ne concerne que la rétention de sûreté (RS)

Dans sa décision du 21 février 2008, le Conseil constitutionnel n'a invalidé que la rétroactivité de la rétention de sûreté (Télécharger cette décision au format PDF : ICI 

 Après avoir tenté de montrer qu'elle ne constituait ni une peine ni une sanction, en conséquence de quoi elle n'était pas concernée par le principe de non rétroactivité , il a énoncé que « eu égard à sa nature privative de liberté, à la durée de cette privation, à son caractère renouvelable sans limite et au fait qu'elle est prononcée après une condamnation par une juridiction », elle ne saurait s'appliquer à des personnes :

- qui ont été condamnées avant la publication de la loi (soit au 26 févr. 2008) ;

- qui seraient condamnées après cette publication, mais pour des faits commis antérieurement.(...)

La rétention de sûreté s'appliquera avant 15 ans

Il a été dit que la loi ne s'appliquerait que dans quinze ans. Il est vrai que la RS ne concerne que des personnes condamnées à une peine d'au moins quinze ans de réclusion criminelle (art. 706-53-13 c. pr. pén.). 

Cependant, à supposer que, très rapidement des cours d'assises retiennent le principe de la RS pour des faits commis dans la période prochaine, la loi s'appliquerait bien plus tôt. 
(...) si un condamné peut bénéficier de 6 ans environ de réductions de peine, ce qui ramènerait sa libération, très grossièrement évalué à 2019. La RS pourrait alors s'appliquer dans 11 ans.

Observons d'ailleurs que si elle ne peut s'appliquer plus tôt, c'est avant tout en raison de la politique pénale actuelle. Rappelons que le président de la République a choisi ne plus accorder de grâces collectives. Les peines prononcées sont dès lors exécutées plus pleinement (...)


La surveillance de sûreté (SS) rétroagit bel et bien

La déclaration d'inconstitutionnalité n'est retenue au paragraphe 10 de la décision précitée que pour la RS. Au contraire, pour la SS  seul le paragraphe 9 est en cause qui écarte l'application de la Déclaration de 1789. Or l'article 13-III de la loi énonce qu'elle « est immédiatement applicable ». 

Il ne précise cependant pas à quelles situations elle s'applique. Il ne semble pas possible d'envisager que la loi s'applique immédiatement à des faits ou condamnations antérieures à l'entrée en vigueur de la loi dans le cas où la SS est prononcée du fait de la cessation d'une RS (art. 706-53-19 C. pr. pén. ), puisque cette dernière n'est pas concernée par l'application immédiate. 

Cependant, le législateur a prévu que la SS puisse s'appliquer aussi à la suite d'une SJPD (Surveillance judiciaire des Personnes Dangereuses) qui aurait été prononcée, dès lors que l'intéressé purgerait une peine d'au moins quinze ans de réclusion criminelle pour des faits visés à l'article 706-56-13 (art. 723-37 C. pr. pén.). Ces faits auront par hypothèse été commis antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi. Ce n'est pas la seule nouvelle mesure qui va rétroagir.


D'autres formes de privations de liberté rétroagissent

La loi du 25 février 2008 comporte deux formes de privation de liberté qui vont bien rétroagir. Il s'agit, en premier lieu, d'une hospitalisation dans un établissement qui est ordinairement affecté à l'accueil des personnes incarcérées tel que régi par les articles L. 6141-5 et R. 6147-66 et suivants du code de la santé publique. 

L'article 13-III de la loi du 25 février énonce que si une personne placée sous SS n'exécute pas les obligations qui lui ont été imposées et que cela révèle à nouveau sa « particulière dangerosité » et un risque très probable qu'elle commette encore une infraction visée à l'article 706-53-13, alors, elle pourra être placée dans un établissement de santé de cette nature, et ce, jusqu'au 1er septembre 2008 sur décision du président de la juridiction régionale des mesures de sûreté, pour une durée de trois mois. La juridiction régionale devrait confirmer ce placement au bout d'un tel délai, ce, après avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté.

La loi crée aussi une nouvelle mesure dite de l'assignation à domicile. Son régime juridique demeure certes à déterminer, mais il s'agit d'une authentique privation de liberté. Elle pourra être imposée, dans le cadre de la SJPD (art. 723-30 C. pr. pén.), de la surveillance électronique mobile (art. 763-3 C. pr. pén.) et de la SS (art. 13-I). 

L'article 13-1 de la loi énonce que seront concernées, les personnes qui sont incarcérées au 1er septembre 2008 et purgent une peine de réclusion criminelle d'au moins quinze ans pour avoir commis l'une des infractions visées à l'article 706-53-13. Il y a donc ici encore rétroactivité au regard des faits commis ainsi que des condamnations prononcées avant l'entrée en vigueur de la loi du 25 février, dès lors que ces personnes seront encore en train de purger leur peine au 1er septembre 2008. Il en ira de même pour d'autres mesures limitant la liberté.


D'autres mesures restrictives rétroagissent

Il y a application rétroactive de la loi pour chaque disposition à propos de laquelle le critère de l'application dans le temps est l'exécution d'une peine en cours. Sous couvert d'application immédiate, il y a en effet alors rétroactivité au regard des faits ou de la date de condamnation.

Ceci concerne en premier lieu, la modification apportée à l'article 729 du code de procédure pénale, en vertu de laquelle, les personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité ne peuvent bénéficier d'une libération conditionnelle qu'après avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté . 

L'article 13-V de la loi énonce que cette règle est d'application immédiate aux personnes exécutant une telle peine lors de la publication de la loi. La même règle a été retenue à propos des modifications apportées aux articles 721 et 721-1 du code de procédure pénale, en matière de réductions de peine (art. 13-VI de la loi).  (...)

Martine Herzog-Evans - Professeur à l'Université de Reims

Source : blog dalloz


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