vendredi 21 mars 2008

MOBILISATION DES MAGISTRATS

Dans une lettre envoyée mardi à la présidente du SM, Emmanuelle Perreux, le directeur de cabinet de la garde des Sceaux Rachida Dati rappelait que le statut de la magistrature proscrivait "toute manifestation d'hostilité au principe ou à la forme du gouvernement" et "toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions".





Le mouvement lancé par le Syndicat de la magistrature (SM) pour dénoncer la "dégradation" du travail dans les tribunaux n'a guère perturbé les audiences jeudi mais son point d'orgue devait être "une nuit des libertés publiques" contre la loi sur la rétention de sûreté.


Selon la Chancellerie, 78 magistrats sur 7.900 (moins d'1%) se sont déclarés grévistes, un chiffre "largement sous-évalué" selon le SM, qui a toutefois confié être "dans l'incapacité" de fournir sa propre estimation compte tenu du peu d'informations remontant des juridictions.

Selon un décompte des bureaux régionaux de l'AFP, il n'y a eu que quelques reports d'audience à Lyon. Aucune perturbation n'a été signalée ailleurs.

Un préavis de grève avait été déposé par le SM, deuxième organisation professionnelle, classée à gauche et représentant environ 28% des magistrats.

Mais le syndicat majoritaire, l'Union syndicale des magistrats (USM, 62% de la profession), ne s'est pas associé au mouvement, son président Bruno Thouzellier ne voulant pas entrer dans le "jeu politique" du SM.

L'appel à la grève des magistrats contre "la dégradation des conditions d'exercice de leurs missions au regard, notamment, de l'accumulation de textes en matière pénale" a fait réagir la Chancellerie.

Dans une lettre envoyée mardi à la présidente du SM, Emmanuelle Perreux, le directeur de cabinet de la garde des Sceaux Rachida Dati rappelait que le statut de la magistrature proscrivait "toute manifestation d'hostilité au principe ou à la forme du gouvernement" et "toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions".

Le SM a vu dans cette lettre une "menace de sanctions disciplinaires, à mots à peine couverts".

Il a reçu le soutien des syndicats CGT, Snepap-FSU et SNPES-PJJ du ministère de la Justice qui ont dénoncé "les pressions de la Chancellerie".

Le porte-parole du ministère, Guillaume Didier, a assuré qu'il n'y avait "pas de menace particulière" dans la lettre du directeur de cabinet. Il s'agissait, selon lui, de rappeler que "personne, pas même les magistrats, ne peut prétendre être au-dessus de son statut".

Concernant d'éventuelles sanctions, "il y aura une appréciation au cas par cas". Aucune sanction n'avait été prise lors des précédents mouvements de grève dans la magistrature, en 2005 et en novembre dernier contre la réforme de la carte judiciaire.

La mobilisation de jeudi visait l'ensemble des réformes dont la dernière en date sur la rétention de sûreté.

Source :RTLinfo


  • Pour Fabienne Nicolas, déléguée du Syndicat de la magistrature «Il y a un essai d’intimidation de la part de la chancellerie»

Fabienne Nicolas , déléguée du Syndicat de la magistrature (SM) pour le ressort de la cour d’appel de Nancy et juge d’instruction à Nancy, s’explique sur l’appel à la grève lancé hier par le SM, couplé à «la nuit des libertés» organisée par de nombreuses associations contre la loi sur la rétention de sûreté.

Quelle est l’origine de cette grève lancée par le SM?

C’est une grève liée à «la nuit des libertés», organisée dans les villes de Marseille, Nancy, et Paris. Cette initiative veut exprimer une protestation contre une certaine augmentation des textes qui posent des problèmes concrets, surtout parce que l’on met en place des lois sans moyens supplémentaires.

Que dire de la lettre de la chancellerie adressée à la présidente du SM, lui rappelant que «toute manifestation d’hostilité» au gouvernement est interdite aux magistrats ?

La lettre envoyée par la Chancellerie est inquiétante. Cela signifie que les magistrats doivent se réduire au silence. Il y a un essai d’intimidation. Pourquoi réduire la parole ? Cela veut donc dire qu’il y a des critiques intéressantes à formuler. A l’heure actuelle, les seuls magistrats qui prennent la parole le font à titre syndical.

Comment vivez-vous l’ensemble de ces réformes engagées par le gouvernement, et quelles en sont les répercussions sur le statut de magistrat et, plus particulièrement, votre travail au quotidien ?

Depuis les années 2000, il y a une remise en cause de l’indépendance des magistrats, et un non-respect inquiétant de la séparation des pouvoirs ; la responsabilité des magistrats ne doit pas être un leitmotiv. Cela n’a pas fonctionné comme ça depuis la Libération. Il n’y a plus cette notion d’indépendance qui était présente à cette époque. Cela provoque des répercutions sur le contrôle des parquets. Ce que l’on doit faire maintenant, c’est du chiffre, au détriment d’une justice où l’on ne poursuit plus que les «petits» car c’est «statistiquement rentable».

Que représente la «nuit des libertés» pour vous ?

C’est un moyen d’échanger avec nos concitoyens. Il y a des inquiétudes par rapport à la loi sur la rétention de sûreté, une inquiétude légitime car elle touche à des principes fondamentaux. On peut critiquer la décision du Conseil constitutionnel qui a validé cette loi. De plus, il y a un paradoxe avec l’affaire Outreau puisqu’il y a aujourd’hui une remise en cause de la présomption d’innocence. Je ne vois pas comment un juriste peut mettre ça en place. Certes, il est difficile de trouver des moyens, mais le système juridique français pourrait limiter la récidive.

Il n’y a jamais de certitude en matière humaine, et cette loi est fondée sur les notions positivistes, qui dressaient des catégories de criminels, et qui ont entraîné des catastrophes par le passé. Le problème lorsqu’on fait des brèches dans l’Etat de droit est de savoir où on s’arrête.

Source : liberation


Aucun commentaire: